La VOIX du PÈREBulletin des C. R . I . C JUILLET 1947 Nº 4 pp. 25-32
TESTAMENT SPIRITUEL DE D. GRÉA
Adressé au Chapitre des Prieurs le 9 avril 1902Mes Chers Confrères, Votre Supérieur a vieilli. Avant de rendre à Dieu le compte redoutable de ma charge, je tiens à vous donner, sur la na-ture et les devoirs de notre vocation, des avis que vos garderez comme un héritage.Quelque misérable que je sois, j’ai reçu mission de vous conduire, et c’est à ce titre que je vous demande d’être atten-tifs à mes paroles. Je ne dirai rien de moi-même, et j’ai puisé ce que je vous ensei-gnerai dans les écrits de nos Pères, dans les institutions, les traditions et les consti-tutions de notre Ordre, dans les maximes et les pratiques des saints.L’Ordre des Chanoines Régu-liers, vous le savez, a ses racines dans les origines de l’Eglise. C’est au Cénacle que Notre-Seigneur, instituant le sacerdoce, a fondé à perpétuité dans l’Eglise la vie de communauté de ses prêtres et de ses lévi-tes, cette vie de communauté qui, au lieu d’individualités agissant selon les propres lumières de chacun, fait de nous un même corps, agissant dans l’unité de ce corps. Le chef de ce grand corps est Jésus-Christ et son Vicaire dans l’Eglise Universelle, l’Evêque dans l’église particulière, et dans chaque Communauté, l’Abbé ou le Supé-rieur tenant la place de l’Evêque pour son troupeau.L’Evêque fut lui-même dans le passé l’Abbé des Chanoines Réguliers, comme l’Abbé des moines était le chef de ceux-ci.
La sécularisation des personnes ecclésias-tiques et le partage des biens de l’Eglise entre elles a rompu ces liens antiques du gouvernement cénobitique de l’épiscopat.Je m’adresse à vous, mes frères, qui êtes revêtus des ordres sacrés, parce que ce sera à vous de soutenir, de maintenir et de développer la vie Canonique que nous avons embrassée.Vous ne serez pas sans doute tou-jours tous assemblés dans la maison ma-jeure, et vous serez envoyés dans des Prieurés pour l’utilité et le service de l’Eglise. Dans cette sorte de dispersion bien des périls vous attendent: périls du laisser-aller, vous pouvez avoir des supé-rieurs qui laissent aller ou qui peut-être se laissent aller eux-mêmes aux irrégularités et aux relâchements de la discipline régu-lière; périls du côté des influences du de-hors: vous pourrez être frappés du bien qui se fait autour de vous par des curés voisins à l’aide de moyens qui ne sont pas conformes à l’esprit et aux directions de notre Institut, et vous désirerez les imiter 1 (1). Rappelez-vous que, sur cent biens qui s’offrent à nous, il y en a quatre-vingt-dix-neuf que nous devons laisser pour nous appliquer à celui auquel seul nous som-mes appelés de Dieu.Ainsi vous pourrez vous sentir atti-rés à abandonner le mode d’action qui nous est propre et par lequel Dieu entend que nous agissions, pour vous donner à certaines dévotions modernes suscitées là où la vie liturgique a fléchi pour suppléer à sois absence.
Ces dévotions sont très bonnes, assurément; mais, pour nous, el-les doivent toujours être subordonnées à notre grande mission qui est l’office divin.De même vous verrez un prêtre faire du bien en se répandant beaucoup au de-hors; mais, pour nous, nous faisons le bien par la retraite et l’exemple d’une vie de prière et dé pénitence.L’objet de ces considérations et de mes instantes recommand
Cette fin comprend premièrement la louange de Dieu et le culte divin; en se-cond lieu, le ministère pastoral, sacerdotal et lévitique auprès des peuples; et enfin, en troisième lieu, l’éducation et la forma-tion des jeunes clercs par lesquels est as-surée la perpétuité du service divin et du service des âmes.Le premier de ces emplois par la di-gnité et l’excellence est le culte divin, dont S. Thomas a dit en parlant des Cha-noines Réguliers proprie ordinantur ad cultum divinum La louange de Dieu est la fin de l’homme, ou plutôt la fin de la créa-tion tout entière dont l’homme est le chef, et la fin de la Rédemption dans le Christ, c’est-à-dire en Lui la fin de l’Eglise qui, militante ici-bas, et partagée pour un temps entre l’adoration et les nécessités du combat pour les âmes, s’apprête à n’avoir plus d’autre occupation dans l’éternité.
Aujourd’hui cette importance du culte divin n’est guère comprise, et il im-porte de la maintenir à cette première place qui lui appartient.Dans ces diverses occupations, gar-dons toujours la sainte indifférence qui convient au Religieux. Soyons de ces flè-ches choisies cachées dans le carquois de Dieu: posui te sagittam electam : abs-condi te in pharetra mea. Cette flèche choisie, Dieu la réserve ou la dirige dans le combat coutre ses ennemis, selon son bon plaisir. Soyez, mes frères, soyez cha-cun une flèche choisie, acérée, passée au feu, épurée de toute rouille terrestre, em-pennée pour ne pas toucher la terre. Hé-las! on peut toucher la terre, non seule-ment par de grandes chutes, mais encore en devenant mondain par le goût des cho-ses du monde et en perdant le goût des choses de Dieu.Je vous dis ces choses de toute la force de mon amour paternel; retenez mes paroles et, après ma mort, transmettez-les à ceux qui viendront après nous.Aimez, mes frères, les liens bienheu-reux qui font de nous les captifs de Dieu. Ne cherchez pas de fausses libertés sous l’apparence du bien. C’est ainsi que vien-nent les illusions. Les conseils d’amis sans mission peuvent nous perdre. Voyez le prophète, envoyé à Samarie qui, trom-pé par la parole d’un autre prophète, abandonne le commandement que Dieu lui a fait et est frappé de mort sur son chemin par un lion. Si les Jésuites, au siè-cle dernier, avaient écouté les conseils qu’on leur donnait de sauver l’Institut en le modifiant pour s’accommoder au temps, ils n’existeraient plus aujourd’hui; rejetant les conseils de la prudence mon-daine, ils ont été supprimés, sint ut sunt aut non sint, et ils revivent pleins de vi-gueur et bénis de Dieu.
Cette grande le-çon demeure dans leurs traditions, et à l’occasion ils agiront avec la même cons-tance.Ce qui a perdu les Instituts les plus pieux, ce qui en particulier a perdu tant de maisons ou de congrégations de Chanoi-nes Réguliers, c’est d’avoir écouté les conseils de la prudence humaine, quae inimica est Deo, et d’avoir peu à peu mo-difié et fait fléchir les règles anciennes. Ces conseils de la prudence, je les ai re-çus plus d’une fois et des amis et des ad-versaires, et c’est parce que Dieu m’a fait la grâce de ne les point suivre, parce que nous avons suivi les conseils de Dieu contraires à cette prudence et écrits dans les règles et; les actes des saints nos ancê-tres, que notre Communauté connaît ces belles espérances de développement dont nous avons les gages sous les yeux, et qui créent pour nous une grande responsabili-té.I.
– DU SERVICE DE DIEU
Mes chers Confrères, dans le service de Dieu nous avons à considérer d’abord, ce service en lui-même, puis les lieux et les choses qui, consacrés à Dieu, sont confiés à notre religieuse vigilance.ILe service de Dieu dans la sainte li-turgie est un service public, nous en sommes les ministres par notre saint état clérical.La sainte Messe est le centre et le foyer d’où rayonnent dans toutes les heu-res canoniques la louange de Dieu, la pa-role sainte et la prière.Donnons toute notre attention à la célébration digne et solennelle de la sainte Messe, et des Heures canoniques: Nihil praeponaturQue ce service se fasse dans son in-tégrité: n’en abrégeons et n’en supprimons aucune partie. Nous pouvons et nous de-vons en donner l’intelligence aux fidèles et leur faire goûter cette intégrité; l’expé-rience a montré que le dégoût qui amène ces suppressions, contrairement à l’insti-tution de la sainte Eglise, doit malheureu-sement plutôt être imputé aux clercs qu’aux peuples chrétiens.
J’appelle, mes fils, votre attention, votre vigilance, votre conscience, sur l’application incessante que vous devez apporter à entourer et à honorer le service divin de toute la décence et le respect qui lui sont dûs. Gardez-y toujours, gardez surtout dans la célébration du saint sacri-fice la dignité dans le maintien, la gravité datas les paroles. Hélas! il y a des prêtres qui, par une sorte de routine, récitent les paroles sacrées comme s’ils n’en avaient pas le sentiment, et qui parlent à Dieu, dans les oraisons et leur conclusion so-lennelle qui se fait au nom de Notre. Sei-gneur Jésus Fils de Dieu, d’un ton précipi-té qui serait déplacé dans un discours adressé à une créature humaine.Il v a là une diminution de l’intelli-gence du culte divin. Chanoines Régu-liers, par notre vocation nous sommes voués à l’intelligence de ce culte. Accom-plissons avec dévotion et dignité tout ce qu’il prescrit; donnons tout notre soin au chant liturgique, sans nous lasser jamais, et portons cette dignité dans les paroles, dans les attitudes et dans les gestes. Ne laissez pas, mes frères, introduire d’habi-tudes contraires, et, comme la négligence peut plus facilement se glisser dans les récitations privées, veillez à y maintenir ce grand esprit d e religion. C’est pour vous en rappeler sans cesse l’obligation, que nos saintes Règles nous prescrivent les cérémonies et les inclinations dans la récitation de l’office de la sainte Vierge que nous acquittons dans nos cellules.
C’est principalement dans l’adminis-tration des sacrements que, prononçant les saintes paroles et accomplissant les rites sacrés, vous devez porter une gravité et un respect qui s’imposent à l’assistance.A cet égard je vous recommande spécialement l’auguste sacrement du Bap-tême, trop généralement conféré sans di-gnité dans la parole et dans l’action. Au-jourd’hui ce sacrement perd au milieu des hommes l’estime, la vénération, l’impor-tance capitale qui lui sont dues; on le dif-fère, on l’omet avec une inconsciente in-différence.Le culte extérieur abaissé dans ce sacrement et ce qui s’y rattache, je veux dire les Fonts sacrés mal entretenus et sordides et leur bénédiction accomplie sans honneur, n’ont-ils pas contribué à ce douloureux et envahissant état de choses? Réagissez par la religion dont vous entou-rerez aux yeux des peuples ce grand sa-crement.IILes églises et les lieux saints sont confiés à notre sollicitude, et nous devons aux chrétiens les leçons de l’exemple. Te-nons à honneur d’exercer nous-mêmes les ordres mineurs, que nous avons reçus, dans le soin de l’Eglise, du sanctuaire et de l’autel; n’abandonnons pas à des laï-ques ou à des femmes dévotes la parure de l’autel qui nous a été commis dans nos ordinations. Ecartons de l’autel les objets qui en déparent la dignité, fleurs flétries, vases souillés de cire; que tout y soit re-luisant de propreté et dise au peuple no-tre zèle au service du tabernacle et la vi-vacité de notre foi.Après l’autel, le lieu le plus saint de l’Eglise est le baptistère: environnez-le d’honneur.
Enfin faites respecter le cime-tière et la sépulture des chrétiens.Si, dans les paroisses qui nous sont confiées, se trouvent des oratoires de ha-meau, relevez-en la religion; veillez à leur décence, à leur entretien. Réveillez la pié-té des habitants, le souvenir des ancêtres qui les ont édifiés et qui le plus souvent dorment à l’entour dans d’antiques cime-tières ; faites-en comme des centres de dévotion pour les familles et n’épargnez pas vos fatigues pour leur rendre l’hon-neur du saint sacrifice. Aucun culte ne sera plus facilement populaire; aucune dévotion ne sera plus puissante auprès de Dieu et des saints protecteurs de la contrée. Les saints et antiques patrons des lieux y ont un droit céleste, que les pierres même de ces monuments ne ces-sent de proclamer.Voilà, mes chers fils, des points sur lesquels, dans nos prieurés, nous devons sans cesse porter notre religieuse atten-tion. Qu’à Dieu ne plaise que nous regar-dions ces soins comme quelque chose d’inférieur à la dignité de la vocation sa-cerdotale! Le zèle que nous y apporterons consolera le coeur de Dieu dans la soli-tude de ses résidences terrestres et édifie-ra les peuples. Ils ne tarderont pas à s’as-socier à vous dans ce zèle pour la maison de Dieu, s’attacheront à leurs églises et les embelliront de leurs dons.II.
– DU SERVICE DES AMES
Le deuxième objet de notre vocation est le ministère des âmes dans le service paroissial.Ici nous rencontrons d’autres périls et des périls plus grands. Nous n’avons pas seulement à combattre la routine, et à soulever le poids de notre pesanteur dans la prière, mais nous rencontrons notre personnalité qui se nourri, si nous n’y veillons sans cesse, des travaux mêmes de notre ministère. Il y a là trois principaux écueils: l’exercice de l’autorité, la prédica-tion et la direction dans le sacrement de pénitence.Notre refuge contre notre personnali-té est dans la doctrine même de notre sa-cerdoce. Le prêtre est l’espèce sacramen-telle de Jésus-Christ prêtre, comme la sainte hostie est l’espèce sacramentelle de Jésus-Christ victime, et, comme dans la Sainte Eucharistie, la substance du pain ne subsiste plus, ainsi faut-il que dans le sacerdoce l’homme, avec sa nature et ses prétentions, s’anéantisse autant qu’il est possible. Mais ici il y faut un combat continuel, et, chaque fois que l’homme veut vivre, il faut le faire mourir.
L’autorité est à ce point de vue tou-jours un péril, parce que c’est dans son exercice que notre personnalité peut se donner plus facilement une ouverture. Si l’on n’y prend garde, on y est exposé à de singulières illusions; au lieu de faire ré-gner Jésus-Christ, ce sont nos idées, nos caprices, que nous voulons faire triom-pher, et, à nos propres yeux, nous n’avons jamais tort.Notre état religieux nous est ici d’un grand secours.Notre ministère a quelque chose de collégial. Réglé sur un type commun par les traditions et l’esprit de l’Institut, et maintenu dans cet esprit par le contrôle des supérieurs, il est plus impersonnel que celui du prêtre séculier dans son iso-lement, et il se transmet d’un sujet à un autre en gardant une sorte d’unité. Mais afin qu’il en soit ainsi, nous devons nous défendre contre l’esprit particulier, enne-mi de cette unité et refuge de l’amour-propre. Pour le vaincre gardons notre âme dans cette sainte indifférence dont je vous parlais au commencement de cette confé-rence. Soyons prêts à toute heure à quitter nos oeuvres, à subir des directions ou à recevoir de nouvelles charges.
C’est vrai-ment là l’esprit d’anéantissement qui, en nous faisant mourir, fait vivre Jésus en nous. Vivo jam non ego, vivit vero in me Christus.C’est l’esprit des saints, entièrement détachés du bien, même que Dieu fait par eux, l’esprit de saint François Xavier prêt à quitter, sur un signe de l’obéissance, cet apostolat des Indes, que Dieu rendait si miraculeusement fécond.Pour faire ainsi mourir la personnali-té il faut combattre sans cesse. Le péril existe, ne nous étonnons pas d’en subir l’épreuve; c’est un travail constant; Dieu se complaît à voir nos efforts dans la lutte, il nous assiste de sa grâce et cou-ronnera notre fidélité dans le ciel où Jésus sera tout en tous ses élus.IILe danger de la personnalité se re-trouve dans le ministère de la prédication.Le prêtre n’est pas tenté d’orgueil par l’efficacité de sa parole dans le sacrement de baptême ou dans le miracle de la trans-substantiation au saint sacrifice de la messe. Il est en cela contraint de confes-ser la pure opération de Dieu, et de re-connaître qu’il n’est vraiment dans ces sacrements que l’espèce sacramentelle de l’unique pontife Jésus, qui opère seul; mais, dans le ministère de la parole, la personnalité humaine parait davantage, et N.-S., toujours prêtre et docteur, s’y revêt des aptitudes, des talents et des études de l’homme.
C’est là qu’est le danger pour celui-ci.Pour le conjurer, appliquons-nous en esprit de foi à nous acquitter de ce minis-tère dans la disposition où l’on doit admi-nistrer les sacrements. A l’exemple de Mgr Gay et des saints, soyons-y tout sur-naturels par un grand sentiment de reli-gion; soyons vides des sentiments de l’homme et remplis de l’esprit de Dieu.Soyons le pur instrument de Dieu. Dieu choisit ses instruments selon son bon plaisir, et souvent, pour faire le plus de bien, il emploie ceux que la sagesse humaine estime les moins capables. Les beaux talents sans l’esprit de Dieu ne font trop souvent que perdre ceux qui en sont doués et sont toujours stériles pour le bien des âmes. Hélas! à quel degré de vanité peut-on descendre en cherchant la gloire humaine dans la parole de Dieu, ce qui est en quelque sorte la profaner. Ne cher-chons pas les compliments des auditeurs, et, dans l’occasion, recevons-les froide-ment, sachant d’ailleurs que le plus sou-vent ils ne sont que pures banalités; et, si parfois ils sont sincères, craignons davan-tage et veillons sur notre âme; «J’ai peur du succès,» disait tout en larmes le Père Lacordaire. Humilions-nous dans l’œuvre de Dieu et ne nous y complaisons pas comme en notre propre ouvrage.Que ce sentiment d’humilité toute-fois ne nous porte point à la négligence. Par zèle et respect appliquons-nous à sou-tenir dignement, à orner même par nos études et nos travaux, la prédication de l’Evangile, mais dans l’esprit qui animait les saints à préparer avec un soin reli-gieux le pain et le vin destinés à l’Eucha-ristie, et n’y recherchons aucune satisfac-tion de notre amour propre.
Et puis il arrivera quelquefois que vous recevrez des humiliations; vous se-rez mal préparé ou mal disposé; votre Prieur ou vos confrères ne vous épargne-ront pas leurs remarques. Réjouissez-vous alors: car ces humiliations, toujours utiles au prédicateur, préparent souvent des grâ-ces pour les âmes auxquelles il est en-voyé.Je dois encore vous tracer quelques règles pour vos prédications.En premier lieu, votre prédication doit être humble et docile. Vous devez la soumettre volontiers au jugement et à l’approbation de vos supérieurs locaux; s’ils jugent à propos de retrancher quelque partie de votre discours, supprimez-la de bon coeur. Il est, hélas! des opiniâtres toujours portés à regarder les passages supprimés comme les plus beaux endroits de leurs discours.En second lieu, votre prédication doit être simple et pastorale. N’y cherchez pas les grands mouvements oratoires, mais la clarté, vous préoccupant unique-ment d’être compris de votre auditoire pour l’instruire et l’édifier.Enfin, en troisième lieu, que votre prédication soit nourrie de l’Ecriture sainte et de la Tradition. Expliquons le catéchisme, le culte divin, lés fêtes, la sainte messe, les rites mêmes des sacre-ments.Enseignons l’Histoire sainte; expo-sons, avec le temps, des parties de la sainte Ecriture et les passages les plus importants. Il faut ramener les fidèles à la connaissance des livres saints, qu’ils igno-rent si complètement que les titres mêmes des livres et les noms des prophètes ou des Apôtres qu’on cite devant eux ne leur présentent aucun sens.Je ne puis enfin vous mettre assez en garde contre deux défauts très graves où la prédication pastorale peut être entraî-née sous prétexte de zèle.Le premier est l’introduction dans la chaire des personnalités.
Quels que soient les torts des personnes, quelles que soient leurs fautes même scandaleuses, interdi-sez-vous absolument les personnalités, même par allusion; l’allusion, que l’on croit une adresse permise, doit en pareille matière être aussi absolument interdite que la personnalité directe et la désigna-tion nominale.L’autre défaut est le genre objurgatif, genre déplorable, qui irrite au commen-cement et finit par endurcir et rendre in-sensible l’auditoire auquel il s’adresse.Quels que soient les défauts, les torts, quels que soient même les scanda-les, exprimez de la douleur et non de la colère: que votre douleur soit vive et dans le coeur; que l’amour de Dieu et des pé-cheurs l’anime et lui donne dans sa viva-cité même cette force de douceur péné-trante qui touche et ne blesse jamais. Montrez en vous l’image de Jésus dans la Passion, cum malediceretur, non maledi-cebat.Lorsqu’il faut faire entendre aux pé-cheurs le sévérités de la vérité et de la justice divine, ayez des compassions et non des reproches.
Les plus grand crimes, tels que la violation du saint tabernacle, doit rendre votre douleur plus intense, son expression plus tendrement poignante, sans vous faire sortir de cette disposition vraiment pastorale et vous faire descendre au ton de l’irritation ou de la colère.Les résistances et l’inertie opposées à votre zèle ne doit point en changer le ca-ractère, et votre patience doit être invin-cible dans la charité.Il est bien entendu d’ailleurs que. nous ne devons pas tomber dans l’excès opposé, excès qui consiste à diminuer ou à taire les vérités qui déplaisent ou même à tomber dans une basse adulation à l’égard des peuples. Nous leur devons la vérité, nous leur devons la charité; par-lons le langage de la foi et de l’affection, veritatem in charitate.A la prédication, et au-dessus même de la prédication, ajoutez le soin des caté-chismes.Là surtout tenez grand compte de ces recommandations de patience et de dou-ceur.
Ne brusquez jamais les enfants; par-lez-leur raison, foi, affection; soyez infa-tigables à supporter leur inattention, leur peu d’ouverture, leur mauvais vouloir quelquefois. Gagnez leur affection; ren-dez le catéchisme intéressant en le prépa-rant avec soin; relevez-en l’intérêt par des traits frappants, des histoires de la vie des saints promises et données comme ré-compense.Dans vos catéchismes : 1º ayez une place pour l’Histoire sainte, faites en connaître l’application figurée au Nou-veau Testament ; 2º faites lecture de l’Evangile, faites-le comprendre et obte-nez, s’il est possible, par quelques encou-ragements, qu’il soit appris par cœur au s moins par quelques-uns ; 3º faites tou-jours chanter, en l’expliquant, quelque chant liturgique usuel.Soutenez ainsi l’attention par une certaine variété; soyez, je le répète, inté-ressant, et que les enfants prennent plaisir à ce nécessaire exercice. Il faut que la religion leur devienne aimable: parlez à leur coeur, faites-leur goûter ce Dieu de bonté, ce Jésus, qui les a tant aimés.IIIJe ne m’étendrai pas, mes frères, sur le ministère de la confession: les saints docteurs en ont tracé les Règles.Mais je veux encore vous mettre en garde contre le danger de la personnalité dans ce ministère.
Il faut toujours revenir à ce principe de tout notre sacerdoce: vous n’êtes que l’espèce sacramentelle de Jésus parlant par votre bouché dans toute cette action et agissant par votre organe pour remettre les péchés et rendre seul aux âmes la vie de la grâce.Le prêtre, vous a-t-on dit, est dans ce ministère juge, médecin, père des âmes; mais en lui c’est Jésus lui-même qui est le juge et qui retient ou délie; c’est Jésus qui est le médecin, qui applique le remède et prescrit le régime du malade, c’est lui-même qui est le Père des âmes et qui les donne à son Père.Prenez donc garde de vous attribuer eu rien l’œuvre divine et les fruits de salut qu’elle opère; ne vous laissez jamais dire, ne vous dites pas à vous-même que c’est à votre personne qu’ils sont dus. Sachez bien que tout ici dépend de votre mission, et que tout autre ayant à son tour cette mission, aura en lui la même puissance divine pour opérer le bien des âmes.Ne vous attachez donc pas à ce mi-nistère au-delà de cette mission; soyez-y absolument impersonnels, soyez absolu-ment indifférents au choix que les fidèles ont le droit de faire parmi ceux qui ont la même mission.
N’est-il pas ridicule et odieux qu’un confesseur puisse se croire lésé et ressentir quelque peine de cette liberté! faut-il qu’il paraisse désirer que ce choix s’adresse à lui ou bien qu’il ne cesse pas de s’adresser à lui!Sur ce point, ne laissez pas les fidè-les s’égarer jusqu’à vous croire capables de ces misérables impressions qui substi-tueraient à leurs yeux dans cet auguste ministère, jusqu’à un certain point, votre personne à Jésus, qui seul doit y être montré à leur foi.Pour maintenir à ce ministère ce ca-ractère impersonnel que réclame son es-sence et sa dignité, gardez-lui, entre vous tous, une légitime unité et uniformité pra-tique. L’Esprit de l’Eglise est, qu’une égale justice et miséricorde y soient exer-cées par tous ses ministres. Il importe qu’à cet égard vous suiviez dans les memes régions ou localités les mêmes directions, et c’est aux supérieurs, sous l’autorité de l’Evêque, à maintenir cette unité.Rendez-la toujours plus visible par votre unité de conduite au saint tribunal gardez-y les mêmes procédés: ne soyez pas sensiblement plus longuement oc-cupés les uns et les autres du même genre de pénitents. A ce propos laissez-moi vous recommander une certaine brièveté, surtout à l’égard des femmes, des jeunes filles, des petites filles elles-mêmes; elles ont une singulière tendance à faire des-cendre le ministère du prêtre aux satisfac-tions de leur amour-propre; elles aiment l’occuper d’elles et s’attachent facilement à sa personne si elles s’imaginent que lui-même leur porte un intérêt tout personnel; enfin je vous recommande, pour mainte-nir ce ministère et vous maintenir vous-mêmes à sa hauteur surnaturelle, d’éviter avec grand soin de le laisser mêler ou en-trer en contact avec vos relations sociales ou même sacerdotales extérieures.
Que la confession des personnes d’une famille ne vous soit point une occa-sion de créer, d’accroître, de diminuer ou de cesser ces relations, qui doivent en être entièrement indépendantes.Vous êtes prêtre partout, et dans ces relations même vous portez la grâce de votre sacerdoce; mais, hors du confes-sionnal, vous n’êtes plus confesseur, et vus devez vous comporter comme tel et comme tout autre de vos confrères qui n’eût point à exercer ce ministère. .C’est aussi pour cette raison que, même avec vos confrères et dans vos conversations, vous ne devez rien laisser paraître qui s’y puisse rattacher et que vous devez éviter avec soin sur les per-sonnes, leur caractère, leurs qualités, leurs travers, ou leur situation et ses difficultés, toute appréciation provenant de cette source.Votre mission dans ce ministère cesse avec votre changement de rési-dence, ou même parfois un changement d’emploi. Elle est terminée, et vous ne devez point en prendre occasion d’entre-tenir de correspondance avec les person-nes envers lesquelles vous l’avez exercée.Dans le cas exceptionnel et rare où, pour de graves motifs cette correspon-dance serait saintement utile, il est néces-saire qu’elle soit approuvée par les supé-rieurs, dont vous devez à cet égard suivre absolument le jugement; gardez-y tou-jours une religieuse gravité et un ton de politesse très réservée. Evitez-y les ex-pressions d’affection exagérée ou trop familière; il faut que vos lettres soient telles dans leur forme qu’elles puissent: tomber sous les yeux les plus malveillants sans pouvoir exciter, la critique Telles furent toujours les lettres spirituelles des saints.
La Voix du Père, pp. 25-32
1 C’est ainsi que lors de la fondation de la Trappe de Chine un des moines français admirant le bien, opéré par tes Laza-ristes, voulait modeler sur ceux-ci les Trappistes de Chine.2 Foi assim na fundação da Trapa na china, um dos monges franceses, admirando o bem operado pelos Lazaristas, quis modelar a estes os trapistas da China.